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Jardinage: par pitié, n'essayez pas d'être à la mode

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Jardinage: par pitié, n'essayez pas d'être à la mode  Empty Jardinage: par pitié, n'essayez pas d'être à la mode

Message par Admin Ven 30 Mar - 21:58

Didier Lestrade — 26 mars 2018 à 16h11 — mis à jour le 26 mars 2018 à 18h40
[Petites graines & belles plantes 2/5] Après tout, c'est comme partout. Dans le jardinage, il y a des effets de mode absolument risibles

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Parmi les loisirs préférés des Français: le jardinage. Plus qu'un hobby, un engagement pour certains, avec ses codes, ses modes, ses secrets. Un monde décrypté et raconté par Didier Lestrade.

Retrouvez ici la première graine qu'il a semée.

Ce n'est pas aussi grave que la Fashion Week mais la nature a le don de se laisser maltraiter par des intérêts commerciaux qui ne sortent sûrement pas d'un bureau de tendances. Depuis plusieurs années, les banlieues et les campagnes se colorient en rouge. C'est un fait. On vend du photinia à la tonne, ces arbustes pour haie persistante dont les tiges de l'année sont d'un vermillon pas très naturel.

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Au premier plan, un photinia (le truc rouge). | juliacasado1 via Pixabay.

Il y a même des cultivars récents qui proclament: «Encore plus rouge!». Aujourd'hui, on assiste à une épidémie de saules crevettes dans les pavillons de banlieue. Il y en a tellement: ça fait un peu peur.




Il y a trente ans, tout le monde s'est mis à planter des haies de thuyas, ces résineux immenses qu'il faut rabattre constamment, ce qui provoque la chute d'un nombre incalculable de papys qui montent sur des escabeaux avec des taille-haies toujours plus tranchants. Ensuite ce fut l'invasion des laurières https://fr.wiktionary.org/wiki/lauri%C3%A8re qu'on a plantées à un mètre de distance alors que chaque sujet adulte fait au bas mot cinq mètres de hauteur. Au même moment, c'était l'overdose de forsythias,https://fr.wikipedia.org/wiki/Forsythia vous savez cet affreux arbuste qui est le premier à fleurir en fin d'hiver et qui pollue chaque coin de jardin.

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À droite, un forsythia (le truc jaune). | kimdaejung via Pixabay.

Aujourd'hui c'est le photinia. Résultat: le paysage de la France change, un peu comme ce qui se passe dans le Sud-Ouest avec une avalanche d'oliviers arrachés à grand frais du sud de l'Espagne et qui n'ont rien à faire en Dordogne. C'est comme l'industrie des ronds-points: il faut bien garnir ces grosses assiettes d'urbanisme raté avec du végétal (quand ce n'est pas des «sculptures»).

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Tristesse. | Jean-louis Zimmermann via Flickr.



L'époque se fane


Mais qui décide de ça? Y aurait-il dans le jardinage l'équivalent d'une Lidewij Edelkoorthttps://fr.wikipedia.org/wiki/Lidewij_Edelkoort qui déciderait «2018 c'est l'année du Pantone Ultra Violet 18-3838!». Non. Dans toutes les grandes jardineries françaises, c'est «Silence, ça pousse!» qui fourgue des plantes avec de grosses étiquettes qui renvoient à la célèbre émission de télé. Ce n'est sûrement pas moi qui vais protester contre le succès d'un présentateur, mais c'est le syndrome Stéphane Plazza (qui a profité de sa notoriété pour monter un réseau d'agences immobilières à son nom). Visiblement, ces animateurs célèbres ont le don pour signer des contrats qui poussent leur marque dans l'inconscient collectif comme le font les corporations les plus vulgaires. Car c'est la première fois que ça existe vous savez. Vous avez une émission de télé qui donne des conseils pas toujours adéquats aux jardiniers en herbe (genre, comment surcharger un patio de 10m2 avec dix arbustes qui vont faire chacun trois mètres de haut en trois ans, tout ça planté très serré pour donner une gratification instantanée) et voilà, boom, des étiquettes partout dans Jardiland. Pas très zen.

Je me rappelle de la boutique du Cèdre Rouge rue d'Alésia dans le XIVe arrondissement dans les années 1980. À l'époque, cette cour d'immeuble était une mine d'or pour plantes rares comme des érables davidii serpentine qui sont devenus à la mode uniquement parce que c'était le seul endroit pour les trouver. On pouvait y passer des heures sans être dérangé et j'y allais quand je rêvais au jardin que j'aurais un jour, peut-être. Les quais de la Seine, à Châtelet, présentaient encore de nombreuses boutiques de plantes, un endroit merveilleux à visiter le samedi matin. Aujourd'hui ces magasins spécialisés ont presque disparu et l'imaginaire qu'ils offraient manque dans le milieu urbain.


Un marché en plein bourgeonnement


L'industrie du jardin, c'est plus de huit milliards de chiffre d'affaires par an[/b https://www.planetoscope.com/habitat/1094-le-marche-du-jardinage-en-france.html Et pourtant on est loin de l'excellence anglaise ou même américaine (exemple: dans les pires banlieues américaines, vous voyez des buissons taillés en nuages d'une qualité japonaise ou sud-coréenne). En France, si vous regardez bien les jardins, sur la route ou par la fenêtre du train, vous voyez des trucs super laids –partout. Nous sommes au royaume du non-jardin. À Paris, dans le métro, tout le monde est habillé en noir. Dans les jardins, tout le monde plante la même chose. C'est le mimétisme social. À la rigueur, les prolos ont des excuses. Mais les jardins bourgeois, c'est vraiment pathétique. On dirait qu'ils ont tous copié le style Fillon.

Des exemples? Il y a trente ans, il y a eu un délire[b] laurier-tin
.https://fr.wikipedia.org/wiki/Viorne_tin Normal, c'est un arbuste irréprochable, toujours beau, hiver comme été, sans entretien, chic. Mais les bourgeois en ont fait une fixette comme si c'était l'équivalent botanique de la boutique Arnys. Puis c'était les buis en boule que le Cèdre Rouge vendait une fortune. Vint le moment des «jardins blancs» ou les «jardins de senteurs» (au secours!) ou les jardins de curés pour les manifestants contre le Pacs. Ensuite il y a eu LE délire des hellébores.

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Tout à coup, tout le monde s'est mis à courir après ces plantes d'hiver (qui n'ont absolument aucun intérêt le reste de l'année by the way) et les gens faisaient des centaines de kilomètres pour s'acheter des cultivars rares. Il y avait un air d'aristocratie dans cette mania, il fallait être une duchesse ou une princesse pour avoir son mot à dire. La dernière décennie a ainsi été sous l'influence des jardinières bourgeoises qui ne juraient que par les anémones Honorine Jobert, le rosier Pierre de Ronsard et l'hortensia Annabelle.

La montée en puissance des Journées de Courson n'a pas arrangé les choses. Courson, dans les années 1990, c'était encore un endroit secret où l'on pouvait passer la journée sans être bousculé par des stars du cinéma français qui vous regardent comme si vous commettez un acte de lèse-majesté parce que vous êtes devant elles dans la file d'attente pour récupérer vos plantes. Courson créait la mode parce que les plantes rares étaient vendues par des passionnés et non pas parce qu'il fallait être vu à la cantine à 14h. C'était presque un endroit où l'on pouvait draguer –aujourd'hui c'est un rassemblement du Who's Who proche du Prix de l'Arc de Triomphe.


Il faut encourager les pépiniéristes


Le snobisme du jardinage est en roue libre. Il n'est même plus encadré par des revues qui synthétisaient l'air du temps du jardinage comme Garden's Illustrated ou Bloom. Il ne reste plus que The Garden, la prestigieuse revue de la Royal Horticultural Society, le seul magazine qui organise des tables rondes avec des spécialistes pluridisciplinaires sur les sujets de notre temps comme les effets du réchauffement climatique sur la dissémination de nouvelles maladies végétales et de parasites nuisibles, ou les nouvelles espèces qui vont avoir du succès.

La parution du livre posthume sur le jardin de Derek Jarman, en 1995, a fait l'effet d'une bombe. Sur une lande abandonnée, avec une centrale électrique au loin, l'artiste avait créé un jardin de gravier avec des bouts de métal plantés dans le sol. Merveille.

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